Giacinta Jean, Giulia Russo et Giovanni Nicoli sont trois experts en conservation et restauration de surfaces décoratives. Ils sont venus au Palais Sursock pour évaluer l’ampleur des restaurations des surfaces décoratives.
Pour ceci, les experts suisses de l’Université des sciences appliquées et des arts de la Suisse méridionale (SUPSI) se sont rendus à Beyrouth fin septembre 2021.
Dans cette interview, le professeur Giacinta Jean parle de la mission, des émotions ressenties en entrant dans le Palais. Elle évoque aussi des collaborations académiques qui, avec notre soutien, pourraient conduire à un transfert et un échange de connaissances durables.

Les experts en conservation et restauration
MISSIONS ET OBJECTIFS
Giacinta Jean : Notre objectif est de contribuer à la récupération du Palais Sursock. Nous souhaitons mettre au service nos compétences et connaissances au profit de la formation et la recherche. Ces compétences seront exploitées pour la conservation des surfaces architecturales. Nous espérons que notre mission à Beyrouth pourra apporter une aide concrète pour transformer une situation d’urgence en projet culturel. Notre espoir est d’initier des activités de formation pour les professionnels locaux. Mais aussi de collaborer avec ceux déjà impliqués dans la restauration de ce précieux patrimoine culturel à différents niveaux (architecture, technique, interprétative et curatoriale). En septembre, nous nous sommes concentrés sur l’analyse des décorations en stuc. Ce sont une partie importante de la signification culturelle du palais Sursock.
DÉCOUVERTE DU PALAIS SURSOCK
Giacinta Jean : Lorsque nous sommes arrivés pour la première fois au Palais Sursock, nous avons ressenti un sentiment d’inadéquation face à une dévastation aussi profonde. Un sentiment pénible de savoir qu’il ne sera pas possible de récupérer cette situation désastreuse. Le bâtiment était le précieux coffre de toute une histoire. D’autre part, le désir profond d’aider à construire un avenir durable et significatif pour ce lieu.
L’ÉTENDUE DES DÉGÂTS
Giacinta Jean : L’explosion du 4 août 2020 a causé de très forts dégâts. Elle a également mis en évidence certaines faiblesses intrinsèques du décor en plâtre. La cause est due à la fois aux techniques d’exécution ainsi qu’aux précédents phénomènes de décomposition. L’absence de clous ou de barres métalliques rendent fragiles les éléments décoratifs et sujets au détachement. Les effets de l’explosion ont été particulièrement graves pour les plafonds du deuxième étage, car la structure en bois supportant le plâtre était déjà faible et pourrie.
Pour pouvoir effectuer la meilleure restauration possible pour le Palais Sursock, nous envisageons des formes de collaboration, à la fois en termes d’enseignement et au sens large. Pour cela, il faut réfléchir au rôle que la mémoire du passé peut jouer dans la formation de l’avenir.
LES ENJEUX DE LA RESTAURATION
Giacinta Jean : Les décorations en stuc sont faites à la main et en partie composées d’éléments préfabriqués montés avec une couche de plâtre. Ce sont les décorations en plâtre typiques que l’on peut trouver dans les grandes maisons de Beyrouth à la fin du XIXème siècle. L’enjeu pour leur préservation est de créer les compétences techniques et professionnelles des populations locales. Ils doivent être capables de prendre en charge ce genre de travail. Comment faire ? Notamment en équilibrant les questions de conservation et de réintégration des parties manquantes.
VERS UNE COLLABORATION ?
Giacinta Jean : Lors de notre séjour, nous avons pu établir des contacts avec des universités et des professionnels impliqués dans l’étude, la conservation et l’interprétation du patrimoine culturel. Nous envisageons des formes de collaboration tant au niveau pédagogique (formation technique que professionnelle).
Nous prévoyons de démarrer le projet cet hiver en proposant un atelier à des étudiants suisses et libanais. Celui-ci portera sur les mesures d’urgence et de sécurité à prendre pour sécuriser les décorations architecturales endommagées.